• Retrouvez ici toutes les cartes interactives publiées et/ou utilisées pour ce blog. Ces cartes sont des outils pour des recherches en cours sur l'histoire de la Goutte d'Or, elles ne sont donc pas exhaustives.

     

    Les évènements liés à La Commune de Paris à la Goutte d'Or :

     

     

    Les manufactures d'instruments de musique à la Goutte d'Or (voir également l'article : "D'ébène et d'ivoire") :

     

     

    Localisation de cartes postales, gravures et photos anciennes du quartier de la Goutte d'Or :

     

     

    Emplacements des anciens moulins de la Butte des Couronnes (ou Butte des Cinq Moulins) :

     

     

    Les établissements liés à la prostitution dans la partie Sud du quartier de la Goutte d'Or, 19ème et 20ème siècles (voir également l'article : La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution : 

     

    Les morts violentes dans le quartier de la Goutte d'Or :

     

    Dates de construction des immeubles de la Goutte d'Or :

     

    Les voies imaginaires de la Goutte d'Or, projets abandonnés de percement de nouvelles rues dans le quartier de la Goutte d'Or (article à venir):

     

    Itinéraire des familles Vansse et Lepetit (voir également les articles : "Miracle de "science" au 28 rue Affre" et "La misère en famille" :

     

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    Effondrement

    Le vendredi 5 août 1898, un peu après 14h, les blanchisseuses s'affairent dans le lavoir des Islettes, situé au numéro 9 de la rue éponyme dans la quartier de la Goutte d'Or. Soudainement, un fracas énorme se fait entendre : les trois grosses cuves d'eau bouillante du lavoir viennent de s'effondrer en entrainant la façade du bâtiment. 

     

    1898

     

    Le chaos est indescriptible et une panique s'empare de la cinquantaine de lavandières prisonnières du bâtiment à demi en ruine. Un agent de police et le gardien de l'immeuble voisin vont leur permettre de s'échapper par la cour arrière mitoyenne en installant une échelle pour passer par dessus le mur de trois mètres qui les séparent et en perçant le toit d'un petit bâtiment du lavoir. À l'intérieur, seule une cliente du lavoir, madame Belot-Petetin, qui allait sortir est sérieusement blessée aux jambes et à la tête. Madame Déglise, la caissière de l'établissement dont la guérite s'est effondrée, s'en tire miraculeusement indemne. Dans la rue des Islettes, c'est un véritable torrent d'eau brulante et de gravats qui déferle dans la rue jusqu'au boulevard de la Chapelle. Cet après-midi d'août, la rue est peu fréquentée, mais dans leur grand malheur, une grand-mère et sa petite-fille passent sur le trottoir le long du lavoir au moment de l'effondrement, cela leur est fatal. 

     

    Le Radical 7 août 1898

      

    En effet, Marie Anastasie Mouret (veuve Ronsin) âgée de quarante-sept ans et sa petite-fille Marthe Rémondin de trois ans et demi ont eu le malheur de passer au mauvais endroit au mauvais moment, et les appels à se sauver d'un passant voyant le drame se produire n'y ont rien changé. Les victimes qui habitaient au 3 rue Polonceau sont mortes sur le coup. Elles étaient de modeste condition et la ville de Paris a pris en charge les frais d'obsèques et offert les concessions au cimetière de Saint-Ouen.

    On connait vite les causes de ce terrible accident : le défaut d'entretien. En effet, depuis quelques temps les piliers de briques qui soutenaient les lourdes cuves montraient de grandes faiblesses et le mur de façade s'était bombé dangereusement. L'architecte de l'immeuble préconisa des travaux de consolidation. Mais le gérant du lavoir, monsieur Hervieux, âgé de soixante-quinze ans, estima que ces travaux pouvaient attendre la fin de son bail en 1904 et que son successeur s'en chargerait. L'affaire est jugée en février 1899, monsieur Hervieux est reconnu coupable d'homicide par imprudence, mais vu son grand âge et sa réputation sans tâche, il n'est condamné qu'à 500 francs d'amende par le tribunal correctionnel.

     

    Un célèbre lavoir

    Les journaux qui relatent l'évènement ne manquent pas de rappeler que c'est ce lavoir qui servit de décor au roman L'Assommoir d'Émile Zola et notamment à la fameuse scène de bagarre entre Gervaise et Virginie. En effet, avant que monsieur Hervieux ne reprenne l'établissement en 1888 et le renomme "Lavoir des Islettes", il se nommait "Lavoir de la Goutte d'Or" et la rue des Islettes était alors la rue Neuve de la Goutte d'Or (renommée en 1877) comme dans le roman de Zola. 

    Théâtre L'Ambigu

    Scène du lavoir, théâtre de L'Ambigu

     

    Mais les journalistes s'emportent un peu dans leur description, notamment sur l'ancienneté du lavoir : "un des plus anciens lavoirs de la capitale" (La Lanterne, 7 août 1898), "il est célèbre car de construction très ancienne" (Le Gaulois 6 août 1898). D'abord, Zola ne décrit pas exactement le lavoir de La Goutte d'Or dans son roman, il s'est inspiré aussi d'autres lavoirs pour faire celui de son roman la rue Neuve de la Goutte d'Or, comme le lavoir la rue de Chartres aux Batignolles (aujourd'hui rue Jacquemont dans le 17ème arrondissement), mais surtout, et contrairement à ce qu'affirment les journaux, ce lavoir n'est pas très ancien, il n'existait même pas lors de l'intrigue de l'Assommoir. En effet, lorsque Zola fait ses repérages pour son roman dans le quartier de la Goutte d'Or (l'Assommoir été initialement publié en feuilleton en 1876), le lavoir existe bel et bien, à peu près comme l'a décrit Zola : 

    "Le lavoir était situe vers le milieu de la rue, a l'endroit ou le pave commençait a monter. Au−dessus d'un bâtiment plat, trois énormes réservoirs d'eau, des cylindres de zinc fortement boulonnes, montraient leurs rondeurs grises; tandis que, derrière, s'élevait le séchoir, un deuxième étage très−haut, clos de tous les cotes par des persiennes a lames minces, au travers desquelles passait le grand air, et qui laissaient voir des pièces de linge séchant sur des fils de laiton. A droite des réservoirs, le tuyau étroit de la machine a vapeur soufflait, d'une haleine rude et régulière, des jets de fumée blanche. Gervaise, sans retrousser ses jupes, en femme habituée aux flaques, s'engagea sous la porte encombrée de jarres d'eau de javelle. Elle connaissait déjà la maitresse du lavoir, une petite femme délicate, aux yeux malades, assise dans un cabinet vitre, avec des registres devant elle, des pains de savon sur des étagères, des boules de bleu dans des bocaux, des livres de carbonate de soude en paquets. Et, en passant, elle lui réclama son battoir et sa brosse, qu'elle lui avait donnes a garder, lors de son dernier savonnage. Puis, après avoir pris son numéro, elle entra.

    C'était un immense hangar, a plafond plat, a poutres apparentes, monte sur des piliers de fonte, ferme par de larges fenêtres claires. Un plein jour blafard passait librement dans la buée chaude suspendue comme un brouillard laiteux. Des fumées montaient de certains coins, s'étalant, noyant les fonds d'un voile bleuâtre. Il pleuvait une humidité lourde, chargée d'une odeur savonneuse; et, par moments, des souffles plus forts d'eau de javelle dominaient. Le long des batteries, aux deux cotes de l'allée centrale, il y avait des files de femmes, les bras nus jusqu'aux épaules, le cou nu, les jupes raccourcies montrant des bas de couleur et de gros souliers laces. Elles tapaient furieusement, riaient, se renversaient pour crier un mot dans le vacarme, se penchaient au fond de leurs baquets, ordurières, brutales, dégingandées, trempées comme par une averse, les chairs rougies et fumantes. Autour d'elles, sous elles, coulait un grand ruissellement, les seaux d'eau chaude promenés et vidés d'un trait, les robinets d'eau froide ouverts, pissant de haut, les éclaboussements des battoirs, les égouttures des linges rinces, les mares ou elles pataugeaient s'en allant par petits ruisseaux sur les dalles en pente."

     

    Mais dans les faits, le Lavoir de la Goutte d'Or n'a alors qu'une dizaine d'année d'existence. Comme nous pouvons le voir sur le plan du cadastre de 1850 de la commune de La Chapelle Saint-Denis ci-dessous, date à laquelle est supposée commencer l'intrigue de l'Assommoir, la parcelle du numéro 7 rue Neuve de la Goutte d'Or est libre de tout bâtiment, pas de lavoir en vue. Comme nous l'avions vu avec le Mont-de-Piété, pour Zola la Goutte d'Or n'est qu'un décor pour cet épisode des Rougon-Macquart, l'exactitude factuelle n'est pas son souci.

     

    1850 Extrait du cadastre de La Chapelle, 1850

     

    En décembre 1863 et janvier 1864 le terrain est à louer, il est précisé sur l'annonce qui paraît dans la presse que le terrain conviendrait à une activité industrielle. La parcelle est alors divisée en deux et sur la partie Sud est construit un lavoir avec des matériaux de récupération (les grands travaux d'Haussmann entrainent énormément de destructions et par conséquent offrent une grande quantité de matériaux à recycler) ce qui lui donne un faux air "ancien", un immeuble est construit sur l'autre partie. La rue Neuve de la Goutte d'Or, devenue parisienne en 1860, est renommée rue des Islettes en 1877 (en référence à un ancien lieu-dit situé plus au Nord), la numérotation est revue, la parcelle du 5 bis devient le numéro 7 et l'ancien numéro 7 divisé en deux parcelles prend les numéros 9 et 11. Le lavoir se situe dorénavant au 9 rue des Islettes.

    Sur le cadastre parisien de la fin du 19ème siècle (ci-dessous), le lavoir apparaît dans sa forme avant son effondrement de 1898, il n'a alors qu'une trentaine d'années d'existence et n'est certainement pas "un des plus anciens lavoirs de la capitale". 

     

    fin 19e

    Extrait du cadastre parisien, fin 19ème

     

    Après l'accident, le Lavoir des Islettes est reconstruit en 1900 par madame Déglise, l'ancienne caissière rescapée de l'effondrement, qui reprend l'établissement. L'activité continuera plusieurs décennies encore.

     

    Place de l'Assommoir

    Le bâtiment reconstruit en 1900 perdurera jusqu'en 1990, avant d'être détruit dans le cadre de la rénovation, pour le moins brutale, de la partie Sud du quartier de la Goutte d'Or.

     

    1990 

    Vue aérienne de la rue des Islettes en 1990

     

    Sur une partie de l'emplacement de l'ancien lavoir, une petite place est percée sur laquelle s'ouvre le bureau de Poste de la Goutte d'Or.

      

    2017 

    Extrait du cadastre actuel (octobre 2017)

     

    La place créée prend le nom de place de l'Assommoir, par un décret municipal du 18 juillet 1995, les élus parisiens trouvant judicieux de rendre hommage ici au roman qui a pourtant largement contribué à salir durablement la réputation du quartier de la Goutte d'Or. 

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  • Les ponts de la Goutte d'Or. 4: Le pont Marcadet

    Sur le pont Marcadet, juillet 2017

    (Cliquer sur les images pour agrandir)

     

    Situé au centre du quartier administratif de la Goutte d'Or, le pont Marcadet est un pont routier qui enjambe les voies de chemin de fer du Nord, d'Est en Ouest, au débouché de la culée de l'avant-gare. Coté Nord, il offre une très belle perspective sur le faisceau ferroviaire de La Chapelle, un des plus importants au monde, ainsi que sur l'ancien dépôt ferroviaire de La Chapelle. 

     

     Le pont Marcadet octobre 2013

    Sur le pont Marcadet, octobre 2013

     

    Sur le pont Marcadet, la rue Ordener

    Mis à part les ponts prestigieux qui possèdent leur nom propre, comme le Pont-Neuf, il est d'usage que les ponts prennent le nom de l'artère qu'ils supportent. Il en est ainsi pour les ponts du quartier qui enjambent les voies de chemins de fer du Nord : le pont Doudeauville, le pont Jean-François Lépine ou le pont de Jessaint sont baptisés du nom de la rue qui les accueille. Le pont Saint-Ange qui supporte le boulevard de la Chapelle ne déroge pas à la règle, il porte l'ancien nom du boulevard à la création de ce pont, le boulevard Saint-Ange (entre la place de la Chapelle et la rue de la Charbonnière).

     

    Les ponts de la Goutte d'Or. 4: Le pont Marcadet

     

    Mais sur le pont Marcadet passe, non pas la rue Marcadet comme attendu, mais la rue Ordener. Cette bizarrerie s'explique par le simple fait que la rue Ordener s'est tout simplement invitée sur le pont Marcadet. Reprenons la chronologie de l'aménagement urbain de ce bout de territoire pour mieux comprendre.

    La rue Marcadet est une voie ancienne qui s'étirait sur les paroisses de La Chapelle Saint-Denys et de Montmartre dont le percement date probablement du XVIIème siècle. Elle permettait notamment de rejoindre le hameau de Clignancourt depuis le village de La Chapelle.

     

    Les ponts de la Goutte d'Or. 4: Le pont Marcadet

    Plan de 1707, les noms de rue actuels sont indiqués en rouge

     

    En 1843, la rue Marcadet est coupée par la construction du chemin de fer du Nord, qui sera mise en service en 1846, et voit la naissance d'un pont pour la traversée des voies. Un pont qui prend donc le nom de pont Marcadet.

    En 1860, les faubourgs parisiens sont annexés à la capitale, la Chapelle Saint-Denis devient une partie du dix-huitième arrondissement. La rue Marcadet est classée dans les voies parisiennes en 1863. Dans la continuité des grand travaux d'urbanisation d'Haussmann, il est prévu la création d'une longue rue traversant le Nord de l'arrondissement d'Est en Ouest, doublant ainsi la rue Marcadet, trop étroite et sinueuse : c'est la rue Ordener. La voie nouvelle, achevée en 1867, avale le début de la rue Marcadet qui dorénavant commence non plus rue de la Chapelle mais rue Stephenson, de l'autre coté du pont Marcadet. Pour ainsi dire, la rue Ordener a chassé la rue Marcadet de son propre pont.

     

    Plan 1866

    Plan du début des années 1860, avant la fin du percement de la rue Ordener 

     

    Plus loin, plus haut 

    Le pont Marcadet est donc érigé en 1843 lors du percement de la ligne de chemins de fer du Nord. Il est alors construit en maçonnerie avec un tablier en bois, mais dès mai 1844, le Conseil général des ponts et chaussées préconise le remplacement du tablier du Pont Marcadet par un ouvrage maçonné, ce qui sera fait. Dès lors, il ne va cesser d'évoluer au gré de la pression ferroviaire grandissante.

    En 1860, à la faveur de la reconstruction de la gare du Nord et de l'élargissement des voies, le pont est totalement détruit pour être remplacé par une construction métallique. Il est allongé et élargi à cette occasion. L'activité ferroviaire ne cessant d'augmenter, la Compagnie des Chemins de fer du Nord, en accord avec la municipalité entreprend de nouveaux travaux en 1889, le pont Marcadet est élargi en même temps qu'allongé, ses poutres reposent sur vingt colonnes de fer et huit sabots sur culée. Il est à nouveau allongé de huit mètres du coté Est en 1924. De nouveaux travaux sont entrepris en 1958, le pont est surélevé, allongé et élargi.

     

    Les ponts de la Goutte d'Or. 4: Le pont Marcadet

    Vue aérienne sur le pont Marcadet, 1970

     

    Enfin, en 1977, à l'occasion des travaux de l'avant-gare en vue de la création de la partie souterraine de la Gare du Nord, le pont Marcadet va subir sa dernière transformation, avec une surélévation et un allongement à l'Est, ainsi que la disparition de la gare du Pont-Marcadet. 

     

    Les ponts de la Goutte d'Or. 4: Le pont Marcadet

    Vue aérienne sur le pont Marcadet, 1977

    On distingue les travaux d'élargissement des voies de chemin de fer

     

    Un pont, une gare, un pont-gare

    Dans les années 1890, le pont Marcadet accueille une nouvelle gare ouverte par la Compagnie des chemins de fer du Nord : la gare du Pont-Marcadet. Cet arrêt offrait aux habitants du quartier la possibilité de rejoindre la Petite Ceinture ou la ville de Saint-Denis. La gare permettait de gagner la Gare du Nord en seulement quatre minutes.

     

    Les ponts de la Goutte d'Or. 4: Le pont Marcadet 

    Le pont Marcadet, on aperçoit le bâtiment de la gare à droite

     

    La gare est constituée d'un petit bâtiment de métal, brique et verre, ouvrant sur le pont Marcadet et perché sur des colonnes métalliques. Un escalier à l'arrière du bâtiment descend sur un unique quai de voyageurs.

     

    1900

    Vue sur la gare du Pont-Marcadet depuis le quai, 1900

     

    1902

    Un train à quai à la gare du Pont-Marcadet, 1902-1908

      

    Les ponts de la Goutte d'Or. 4: Le pont Marcadet 

    Un train quittant la gare Pont-Marcadet, 1948

     

    La gare du Pont-Marcadet ferme en 1977, lors des importants travaux en avant-gare nécessaires à la création de la gare souterraine. Le quai ainsi que le bâtiment sont détruits.

     

    Les ponts de la Goutte d'Or. 4: Le pont Marcadet 

    Les anciennes portes de la gare du Pont-Marcadet, Juillet 2017

      

    Aujourd'hui, il ne subsiste rien de cette petite gare si ce n'est l'ancien portail toujours visible sur le coté Nord du pont (voir photo ci-dessus) ainsi qu'un arrêt de bus rue Ordener, juste à coté du pont, qui porte le nom de "Pont-Marcadet". 

     

    Les ponts de la Goutte d'Or. 4 : Le pont Marcadet

    "Pont Marcadet", Photo de François Lartigue, 1988

      

    Les ponts de la Goutte d'Or. 4: Le pont Marcadet

    Quai de la gare du Pont-Marcadet, vers 1900

     

    Les ponts de la Goutte d'Or. 4: Le pont Marcadet

     Emplacement du quai de l'ancienne gare du Pont-Marcadet, juillet 2017

     

    Pour en savoir plus sur le Petite Ceinture, on se réfèrera au site de l'association Sauvegarde de la Petite Ceinture (ASPCRF) dont on a emprunté plusieurs photos présentées ici.

     

    Paf le pont ! 

    Le pont Marcadet traverse un des faisceaux ferroviaires les plus complexes et étendus du monde et logiquement, comme les autres ponts voisins, il a été le témoin de nombreux accidents ferroviaires, comme ce tamponnement entre deux trains qui fit 9 morts en mai 1912. Mais le pont Marcadet a connu des accidents avec une caractéristique assez particulière si l'on en juge par ces exemples pour le moins édifiants listés ci-dessous (il est conseillé de rester bien assis dans son siège pour en entreprendre la lecture) :

     

    Les ponts de la Goutte d'Or. 4: Le pont Marcadet

     

     

    - Le 20 août 1869, un "homme de forte corpulence" veut changer de wagon alors qu'il est installé sur une impériale, il trébuche au passage du pont Marcadet et chute sur la voie, il est emmené dans un état désespéré à l'hôpital Lariboisière.

    - Le 12 juillet 1870, Paul Grudé, Vingt ans, est installé sur l'impériale d'un wagon, en essayant de passer d'un wagon à un autre, sa tête heurte le pont Marcadet, il décède sur le coup.

    - Le 18 mai 1875, un homme installé sur une impériale veut donner du feu à un autre voyageur en passant la balustrade du wagon, sa tête vient se fracasser sur le pont Marcadet, dans sa chute le corps du malheureux reste accroché au train, se vidant de son sang en éclaboussant les autres voyageurs horrifiés.

    - Le 3 mai 1876, un homme de cinquante ans, monsieur Hadancourt, se tient debout sur l'impériale du train, sa tête heurte la voute du pont Marcadet, il est renversé sur la voie et trouve la mort.

    - Le 24 janvier 1882, une homme d'équipe de la gare de la Chapelle, nommé Walley, monté sur un fourgon au moment du passage sous le pont marcadet, il s'y cogne violemment la tête et meurt sur le coup.

    - Le 9 octobre 1883, un jeune soldat se lève alors qu'il est installé sur une impériale, il meurt la tête fracassée contre le tablier du Pont Marcadet.

    - Le 14 août 1884, le garde-frein du train n°70, monsieur Fontaine, juché sur sa vigie se fracasse le crâne au passage du pont-Marcadet, il est évacué dans un état grave.

    - le 5 août 1895, un garde-frein de la Compagnie du Nord tombe de son train sous le pont Marcadet, la chute lui est fatale.

    - Le 22 avril 1899, un ouvrier bourrelier habitant Saint-Denis passe la tête à l'extérieur de son train, il se brise le crâne sur le pont Marcadet. On le retrouve sur la voie, il est transporté dans un état désespéré à l'hôpital Lariboisière.

    - Le 25 novembre 1899, Albert Sourzac, un garçon boucher de dix-sept ans, trouve la mort en tombant de l'impériale sous le pont Marcadet. 

    - Le 1er juillet 1900, un télégraphiste, Gilles Le Coz, chute de l'impériale du train sous le pont Marcadet, il se brise le crâne et décède quelques heures plus tard.

    - Le 15 février 1901, une homme tombe de l'impériale sous le pont Marcadet et meurt sur le coup.

    - Le 6 mai 1901, André Zinder, âgé de dix-huit ans, tombe de l'impériale du train sous le pont Marcadet, il est très grièvement blessé.

    - Le 9 avril 1902, Jean Golicoeur, quarante ans, juché sur l'impériale, se penche et sa tête vient heurter un pilier du pont Marcadet, il est tué sur le coup.

    - Le 6 juin 1902, Octave Havard, un ouvrier de trente-quatre ans, sort la tête par le coté du wagon, il meurt en se fracassant le crâne sur une pile du pont Marcadet.

    - Le 15 juin 1905, Henri Cartigny, vingt-cinq ans, chute de l'impériale sous le Pont Marcadet, il décède des suites de ses blessures.

    -Le 21 octobre 1909, Denise Augustin, quatorze ans, se penche par la fenêtre du train, sa tête cogne le pont Marcadet, elle est tuée immédiatement.

    - Le 29 novembre 1912, Roger Poupe, âgé de sept ans et demeurant à Enghien, se penche par la fenêtre du train et se fracasse la tête contre une pile du pont Marcadet. Il meurt sur le coup.

     

    Cette terrible hécatombe tient à deux facteurs combinés : à la conception des wagons à impériale et à la configuration du pont Marcadet. En effet, les wagons à impériale, dotés d'un étage auquel on accède par un escalier extérieur, ne permettent pas de se tenir debout. Le modèle ouvert (voir photo ci-dessous) permet toutefois aux voyageurs de se redresser notamment au niveau de l'escalier d'accès mais en dépassant la hauteur du toit du bidel (nom argotique du wagon à impériale) ; de même, on peut facilement se pencher sur le coté du wagon totalement ouvert. Seulement, au passage d'un pont comme celui de Marcadet, ces manoeuvres peuvent vite devenir fatales pour les voyageurs imprudents, le tablier du pont étant très bas et les voies frôlent les piliers de soutien. Les panonceaux préconisant de "ne pas se pencher au dehors" n'étaient pas vains.

     

    Les ponts de la Goutte d'Or. 4: Le pont Marcadet

    Un train avec des wagons à impériale (ouverts et fermés) entrant en garde de St Germain en Laye

     

    En janvier 1906, seulement, suite "aux nombreux accidents survenus sous le Pont Marcadet" le ministre des travaux publics, monsieur Gauthier, enjoint la Compagnie du Nord à supprimer le plus rapidement possible les wagons à impériale ouverte responsables de ces accidents. Il faudra vingt-cinq ans pour que les wagons à impériale disparaissent complètement de ces voies.

     

    Les ponts de la Goutte d'Or. 4: Le pont Marcadet

    Le Journal, 19 janvier 1906 

     

    Aujourd'hui les trains ont bien changé, et plusieurs millions de voyageurs passent sous le pont Marcadet, tranquillement, sans plus jamais s'y cogner la tête.

     

    Les ponts de la Goutte d'Or. 4: Le pont Marcadet 

    Vue sur le pont Marcadet et le dépôt de La Chapelle depuis l'impasse du Curé, septembre 2013

     

     Le pont Marcadet septembre 2015 

    Ganesh passant sur le pont Marcadet, septembre 2015

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  • En 1836, dans son ouvrage De la prostitution dans la ville de Paris, le docteur Parent-Duchatelet évoque la prostitution hors les murs de Paris, dans les faubourgs. Il cite les villages de Belleville, La Villette, Montmartre, La Chapelle ou encore Vaugirard où la prostitution est particulièrement dense. En dehors des communes, l'auteur ne précise que quelques lieux comme La Courtille, célèbre lieu de fêtes populaires (et de débauche) au bas de Belleville, mais le premier lieu de prostitution hors les murs qu'il donne en exemple est le boulevard Saint-Ange, ancien nom du boulevard de la Chapelle entre la place de la Chapelle et la rue de la Charbonnière. En effet, comme son voisin le hameau de la Goutte d'Or, le hameau Saint-Ange qui se développe à partir des années 1820 sur la commune de la Chapelle Saint-Denis, le long du mur des Fermiers généraux et du boulevard éponyme (voir sur ce blog l'article "Toponymie"), semble d'emblée investi par la prostitution. 

    1846 CadastreAncien hameau de Saint-Ange, plan cadastral 1846  

     (cliquer sur les images pour agrandir)

    Du boulevard Saint-Ange au boulevard de la Chapelle

    Le développement de la prostitution à cet endroit n'a rien d'étonnant, car le long du mur qui ceint Paris se développe une activité proliférante de bals et de cabarets où non seulement l'alcool est beaucoup moins cher, car échappant aux taxes de l'octroi qui frappent les produits entrant dans Paris, mais aussi car la surveillance policière y est plus rare. Le quartier concentre également une activité de lavoirs, comme l'a évoqué Zola dans L'Assommoir, et dans les faubourgs il n'est pas rare que les blanchisseuses se livrent à la prostitution pour compléter le maigre revenu que leur rapporte le blanchissage.

    Cet environnement favorise la prostitution considérée comme la plus basse, qui s'exerce dans des conditions sanitaires et de sécurité déplorables. Ici les "filles" ne vivent pas de la prostitution, elles en survivent à peine.

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution

    L'élargissement des frontières de Paris en 1860 va changer la configuration des boulevards avec la destruction du mur des Fermiers généraux qui va permettre de connecter les faubourgs avec Paris entre les anciennes barrières de l'octroi. Cependant, c'est un peu différent du coté du boulevard Saint-Ange, car la destruction du mur des Fermiers généraux ouvre le boulevard sur... un mur! En effet, sur une grande partie du boulevard s'étire le mur d'enceinte de l'hôpital Lariboisière qui lui tourne le dos. Si l'on ajoute les voies de chemin de fer du Nord qui créé une frontière urbaine à l'Est, on retrouve l'ancien hameau Saint-Ange, à présent inclue dans le quartier administratif de la Goutte d'Or, relativement isolé. "Le boulevard de la Chapelle est hémiplégique : son côté droit est mort, paralysé par les mille plaies de la gare du Nord ; c est là le vide; où que plongent les regards, ils ne tombent que sur des raies couvant sur le sol, sur des rameaux multicolores, sur des disques verts, rouges, blancs" (Paris-Soir, 1930).

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitutionL'hôpital Lariboisière le long du boulevard de la Chapelle, vers 1880 avant la construction du viaduc du métro

    Le bâti de la première urbanisation est peu à peu surélevé ou remplacé par des immeubles de qualité relative, la voirie est mal entretenue et l'air est souvent encombré par les fumées des locomotives de la Gare du Nord toute proche, des fumées qui noircissent les façades et encrassent les vitres du quartier. Cet environnement va maintenir le quartier, délaissé par les pouvoirs publics, dans un état de pauvreté et d'insalubrité avancé et devenir le refuge de toutes les migrations successives, des provinciaux pauvres aux Juifs fuyant les pogroms de l'Europe de l'Est, des Algériens (dès le 19e siècle) jusqu'aux réfugiés qui fuient leur pays en guerre aujourd'hui.  

    C'est aussi ici que va se développer une pègre que l'on connaitra bientôt comme les Apaches. La prostitution qui s'est durablement installée est très fleurissante, la Gare du Nord voisine et la partie Nord du quartier amenant un flux incessant d'infortunés et d'ouvriers trouvant là les prestations parmi les moins chères de Paris. Car ici on trouve principalement des maisons d'abatage (ou abattage), le prix très faible des passes obligeant les prostituées à multiplier les clients, à abatre un énorme travail, pour gagner de quoi survivre après le prélèvement du proxénète et/ou de l'hôtelier. Certains commentateurs de l'époque estiment que certaines filles pouvaient avoir jusqu'à cent cinquante clients les jours de paie. Il en sera ainsi pour les décennies qui suivront, le boulevard de la Chapelle, avec celui de la Villette plus loin, est à Paris le lieu qui concentre le plus d'établissements destinés au commerce sexuel des plus sordides. Mais qu'on ne s'y trompe pas, si les conditions d'exercice de la prostitution sont ici déplorables, les péripatéticiennes, surnommées les gigolettes, sont sont pas si soumises que cela et savent s'imposer dans leur territoire, et certains le déplorent, comme les "Reines du trottoir" (Frondizi, 2009). 

    1 rue Fleury
    Deux pensionnaires devant le 1 rue Fleury/76 boulevard de la Chapelle
    (aujourd'hui c'est l'adresse du FGO Barbara)
     

    Encartées

    Jusqu'à la loi de 1946, les prostituées étaient étroitement surveillées et contrôlées par les autorités. Chaque prostituée devait posséder sa "carte" pour pouvoir travailler légalement. Pour être "encartée" une fille devait être soumise au contrôle de l'État et être dûment enregistrée auprès de la préfecture (la préfecture de Paris enregistre 6196 filles en 1906) et subir un contrôle, non pas médical, mais bien sanitaire au moins deux fois par mois. 

     

    CarteCarte délivrée par la préfecture, modèle des années 1890

    Carte 1906
    Carte délivrée par la préfecture, modèle de 1906 

     

    En cas de contrôle positif à une maladie vénérienne, la syphilis le plus souvent, la fille est envoyée dans l'austère prison Saint-Lazare (les derniers bâtiments de cette ancienne prison sont devenus aujourd'hui la médiathèque Françoise-Sagan dans 10e arrondissement) pour être isolée et y être soignée. Elle ne retrouve sa carte qu'une fois jugée guérie. La carte imprimée sur un carton blanc devient rouge si la prostituée est syphilitique.

     

    Saint Lazare 1907
    Promenade dans la cour de la prison Saint-Lazare, 1907 

     

    Mais la plupart des femmes qui se livrent à la prostitution ne sont pas encartées, tentant ainsi d'échapper à la surveillance policière et aux séjours dans l'infâme Saint-Lazare. Si l'on nomme ces prostituées des "insoumises", il n'est question que d'une insoumission relative, toutes ces filles étant le plus souvent sous la coupe d'un souteneur.

     

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution

      

    La Goutte d'Or, un quartier rouge

    Petit à petit et durablement le commerce sexuel va devenir prépondérant sur les autres activités dans un secteur correspondant peu ou prou à l'ancien hameau Saint-Ange et qui comprend le boulevard de la Chapelle, la rue Caplat, le rue de Chartres, la rue Fleury, une partie de la rue de la Goutte d'Or et surtout la défavorablement célèbre rue de la Charbonnière. À cet endroit, le soir venu, c'est le royaume des buveurs, des bandits, des "pédérastes" et des prostituées. La prostitution se partage entre les maisons de tolérance, les hôtels de passe, les débits de boissons et le tapin de rue. "Sur un espace de cent mètres environ, là-haut, boulevard de la Chapelle, entre les numéros 62 et 100 [de la rue de Chartres à la rue de la Charbonnière], vous verrez une dizaine de « bistros » (marchands de vin) — petites boutiques pauvrement installées, mais pleines, tant que dure le jour, de femmes qui, de huit heures du soir à trois heures du matin, se livrent au raccroc dans le quartier. Si vous passez par là, par curiosité, vous apercevrez, à toutes les devantures de ces « troquets » des figures de femmes, collées aux vitres, qui vous souriront, vous feront de l'oeil et des signes de tête disant clairement : Entrez donc (Victor Leca, Paris-fêtard : guide secret de tous les plaisirs, 1907). 

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution
    46 boulevard de la Chapelle (photo de René Jacques, 1936) 
     

    Les jeunes prostituées font souvent "leurs armes" ici, comme Nana de Zola. Il est courant de trouver des mineures faisant des allées et venues sous le viaduc du métro. "J'ai eu très souvent l'occasion d'en voir sous les arcades du Métropolitain, au boulevard de la Chapelle, qui avaient à peine quinze ans. Elles se tenaient là en groupes riant, chantant des couplets infâmes, ayant, des gestes répugnants. Elles y vont carrément dans leurs offres, il n'y a pas de temps il perdre : C'est quinze sous pour moi et trois sous pour la chambre ; on s'amusera bien" (Armand Villette, Du trottoir à Saint-Lazare : étude sociale de la fille à Paris, 1907).

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution"Venez donc, beaux bébés roses/Come along sweet babies", Boulevard de la Chapelle, carte postale, 1909
     

    Le quartier fait peur aux Parisiens "respectables", sa réputation est épouvantable, on n'ose s'y aventurer. En 1930, le journal à sensation Paris-Soir, parle ainsi du boulevard de la Chapelle : "(...) sur une longueur d'un kilomètre, le boulevard de la Chapelle dévide le morne écheveau de ses piliers de fonte. L'éclairage immonde de ses réverbères semblables à ceux d'une banlieue sinistre, ajoute à la tristesse de ce coin de Paris d'où partirent un soir, les apaches, à la conquête de Casque d'Or, des Halles, de la rue de la Gaîté. Le sifflement des trains, l'odeur fade de cette humide nuit d'été emplit de stridences et d'écœurement la funèbre galerie du métro.   Sous cette voûte, les bancs où, nuit et jour, vivent des mendigots et des ivrognes, où se reposent, un instant, les lamentables prostituées en cheveux raides et en pantoufles ; les bancs où quelques lies détraqués cherchent à fixer leur luxure, où quelques voyous guettent l'occasion d'exploiter ces deux vices : l'ivrognerie et l'amour défendu, les bancs sont le havre, l'hôtel, le lieu de repos.  De maigres Algériens, aux yeux inquiétants, y restent des heures, à rêver de petites filles aux jambes grêles ; des manoeuvres, des mendiants, des traîne-misère y prennent leur repas du soir."

    L'Homme du Jour 1912

    Le romancier Francis Carco, grand spécialiste des bas-fonds parisiens et dont une rue du quartier porte le nom, décrit le boulevard de la sorte : J'ai même, un soir, conduit mon plus jeune frère boulevard de la Chapelle, derrière les bâtiments de l'hôpital Lariboisière et lui ai demandé de quels détails il tiendrait compte s'il avait à faire une description de ce quartier. Le fronton de la morgue dépassait le mur du boulevard. Par moments, des panaches de fumée, rabattus par le vent, nous arrivaient de la direction de la gare du Nord. Ils flottaient dans l'air gris, immobile, où l'approche du printemps se devinait à une douceur, à une mollesse exquises. Sous la voûte du métro. des filles racolaient machinalement les passants que des clochards, allongés sur les bancs pour y passer la nuit parmi leurs sacs de croûtes, suivaient d'un œil stupide, désabusé. Il y avait beaucoup de monde ; les trams, les autobus roulaient et lorsqu'une rame de wagons passait au-dessus de nos têtes, elle ébranlait la galerie, les piliers, la chaussée, les trottoirs d'une imperceptible vibration" (Marianne, 13 octobre 1937).

     


    DU STATUT DES ÉTABLISSEMENTS

    Après l'Ancien Régime, la règlementation qui régie les établissements qui abritent des activités de prostitution a peu évolué, de son apparition sous le Directoire jusqu'à leur interdiction en 1946 avec la loi dite Loi Marthe Richard. Mais dans la pratique, même si leur nombre a fortement diminué après la loi de 1946, plusieurs de ces établissements ont continué leur activité dans le quartier jusque dans les années 1970, au vu et au su des autorités. 

    106106 boulevard de la Chapelle

    Avant 1946, les établissements se partagent en plusieurs catégories, plus ou moins officielles :

    • En premier lieu, les maisons de société ou maisons closes, les fameux "bordels". Ce sont des établissement légaux et étroitement encadrés. Aucun signe distinctif ne doit les signaler coté rue, les fenêtres doivent être opacifiées et la porte toujours close, ce qui leur vaudra leur nom. L'usage veut que les maisons closes "haut de gamme" prennent le nom de la rue qui les abritent, comme le célèbre Chabanais dans la rue éponyme. Mais pour les établissements de rang inférieurs, sis dans les faubourgs, alors seul le numéro de l'immeuble tient lieu d'enseigne, comme le 106 boulevard de la Chapelle. En 1891, il existe trois maisons closes dans la Goutte d'Or : le 106 boulevard de la Chapelle (15 femmes déclarées), le 25 rue de la Charbonnière (6 femmes) et le 1 rue Fleury (8 femmes)

    106

    • Très en vogue à la Belle Époque, les "maisons de rendez-vous" sont une variante illégale des bordels. Le plus souvent il s'agit d'appartements dont l'adresse se transmet discrètement dans les milieux bourgeois. Il va sans dire que la Goutte d'Or n'est pas un quartier pour ce type d'établissement.
    • Les hôtels de passe et les garnis viennent ensuite, eux aussi se subdivisent en différentes catégories. Certains faisant véritablement office de maison close, consacrant la totalité des chambres à la prostitution et à loger (illégalement) des prostituées à demeure, d'autres consacrent quelques chambres pour une activité de prostitution. L'activité est légale sous peu qu'elle soit déclarée et que les "filles" soient "encartées". Enfin quelques hôtels, sous des airs respectables, louent des chambres en fermant les yeux sur ce qu'il s'y déroule, moyennant une contribution des prostituées, évidemment.
    • Les débits de boissons jouent également leur rôle, comme lieu de racolage le plus souvent, mais également comme lieu de consommation, certains établissement aménageant des alcôves dans l'arrière-salle. Des commerçants vont même jusqu'à transformer leur local à cet effet : "Il y a [au 27 de la rue Charbonnière] une ancienne boutique fermée que le propriétaire a convertie en maison de rendez-vous en installant trois portes donnant accès chacune dans une chambre et où il y a une femme à chaque porte qui racole les passants" (Frondizi, 2013). 
    • Bal PolonceauIl en est de même pour les bals qui sont des lieux où les prostituées peuvent "chercher le client" sans s'exposer aux dangers du trottoir. Parmi les plus fameux bals du quartier citons La Fourmi (anciennement Au Grand Turc) sur le boulevard Barbès et le Bal Polonceau, au 51 de la rue éponyme, un véritable repère d'Apaches étroitement surveillé par la police.

     

    Rue de la Charbonnière : "la pieuvre aux vingt tentacules"

     

    rue de la Charbonnière
    Prostituée de rue, rue de la Charbonnière (photo de René Jacques, 1936)
     

    Dans le quartier, une rue est particulièrement connue pour être presque entièrement dédiée à la prostitution : la rue de la Charbonnière. En effet, la rue de la Charbonnière est un véritable "quartier rouge" à elle toute seule. "Rue de la Charbonnière, où les femmes fanées embusquées dans de misérables bâtisses, appellent le passant à de pauvres plaisirs" (Paris-Soir, 3 août 1930). On va jusqu'à la surnommer "la pieuvre aux vingt tentacules" tant il y serait difficile d'échapper aux du vice dans cette artère.

    Rue de la Charbonnière
    Rue de la Charbonnière 

    Dans ses Souvenirs paru en 1928, Gustave Le Rouge prête à son ami Paul Verlaine les propos suivants : "Et ces filles qui, rue de la Charbonnière - une rue emputanée, eût dit Rabedais, - et cela depuis des siècles (sic), qui tenaient, littéralement, boutique de leurs charmes, comme cela se fait encore, parait-il, a Naples et à Tunis. C'est pour vous que je parle, ajouta Verlaine avec un bon sourire, vous êtes trop gosse pour avoir connu tout ça. Rue de la Charbonnière - une petite rue étroite et sale, aux maisons basses - les filles « folles de leur corps » - encore est-ce bien sûr ? - occupaient chacune un rez-de-chaussée où, parées comme des idoles, les fenêtres grandes ouvertes, elles attendaient. S'il survenait un client, elles tiraient le rideau. " 

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitutionLe Journal Amusant, 27 décembre 1924 
     

    Prostitution
    Croisement des rues de Chartres et de la Charbonnière (place St Ange jusqu'en 1877) 

     


    UN BORDEL PATRIOTE

    Au 40 rue de la Charbonnière, se tenait l'Hôtel du Midi, petit hôtel de passe abritant un débit de boissons au rez de chaussée. En 1916, en pleine Première Guerre mondiale, le journal Les Hommes du Jour nous apprend très amusé que dans l'entrée de l'hôtel, un écriteau a été apposé, précisant :

    "MAISON FRANÇAISE

    Entré interdite aux Allemands"

    Voilà un commerce bien patriote ! Mais en 1916, les Allemands sont bien rares à Paris, c'est donc un patriotisme à bon compte qui ne sacrifie que peu le chiffre d'affaire.

    40 rue de la Charbonnière
    Hôtel du Midi en 1936 (photo de René Jacques) 


     

     

    En vitrine !

    La cohabitation entre les habitants et les prostituées de rue ne se fait sans heurts. En effet, à de nombreuses reprises les habitants du quartier ont manifesté leur réprobation quand la prostitution était jugée trop envahissante, notamment quand l'interdiction de racolage de jour n'était pas respectée. Si l'on en juge un article du journal Le Petit Parisien daté du 29 juin 1913 et titré "Épuration nécessaire", la vague de protestations est conséquente : "Un groupe d'habitants du quartier de la Goutte-d'Or mène en ce moment une campagne destinée à faire cesser le scandale permanent que présentent la rue de la Charbonnière et certaines rues avoisinantes. Ils demandent à la police de les débarrasser des femmes et des gens sans aveu qui s'y tiennent le soir. Un ordre du jour en ce sens a vite été voté en réunion, à l'école de la rue Jean-François Lépine, par 1500 assistants."

    Prostitution
    Prostituée, 37 rue de la Charbonnière

    Mais quand l'interdiction de racolage est respectée, les filles n'en sont pas pour autant moins visibles. "Derrière leurs vitres, devant les comptoirs, des filles sont postées qui cognent au carreau pour appeler les passants Jadis, les trottoirs étaient infestés de ces malheureuses : une plainte des habitants eut pour effet de leur interdire le stationnement sur la voie publique. Alors les cafés les recueillirent et les arrière-boutiques servirent d'alcôves" (Léon Bonneff, Marchands de folies, 1913). 

    Le temps passe, mais les récriminations des habitants ne changent pas. "Aux heures de la matinée où le boulevard de la Chapelle est le plus fréquenté par les allées et venues des travailleurs gagnant le bureau, l'usine ou l'atelier, les passants sont importunés par l'insistances de certaines « professionnelles » qui, sur le seuil des nombreux hôtels installés sur le boulevard ne se gênent point pour les interpeller. A ces mêmes heures, les jeunes gens et les jeunes filles, qui vont travailler, les enfants qui se rendent à l'école sont témoins de ces scènes inconvenantes et les pères et mères du quartier intéressé attendent du préfet de police qu'il intervienne' pour qu'elles cessent aussitôt que possible. Il s'agit de rappeler à la décence et ces dames et les hôteliers du quartier : une intervention immédiate des pouvoirs publics devient nécessaire, car nombre de gens se disposent à dire leur fait à ces importuns, mieux vaudrait éviter de scandaleux incidents" (Paris-Soir, 25 août 1926).

    Pour approfondir cette question de la difficile cohabitation entre les habitants et le commerce sexuel à la Goutte d'Or, on lira avec grand intérêt les travaux du jeune chercheur en Histoire Alexandre Frondizi (références en fin d'article).

     


    LA POLICE LOGE AU BORDEL

    La Goutte d'Or possède son commissariat rue de la Goutte d'Or, juste au-dessus du quartier de la prostitution. Mais pour mieux contrôler le territoire qui se partage entre voyous et maquereau, prostituées et clochards, la préfecture de police ouvrit un poste supplémentaire : la vigie Fleury. Situé au rez-de-chaussée du bâtiment situé à l'angle du boulevard de la Chapelle et de la rue Fleury, ce poste de police a remplacé un café répondant au doux nom d'Au Retour des hirondelles. 

    Prostitution

    Emplacement stratégique s'il en est, à deux pas des rues de la Charbonnière et de Chartres et offrant une vue dégagée sur le boulevard de la Chapelle, cette adresse est aussi celle... d'un hôtel de passe ! En effet, le Royal Hôtel, situé dans les étages supérieurs et dont l'entrée était située au 4 rue Fleury, abritait un activité de prostitution qui va continuer ici jusque dans les années 1970, pas le moins du monde dérangée par sa vigie de voisine.

    Aujourd'hui, les bâtiments de la petite rue Fleury ont tous disparus et cette adresse est devenue beaucoup plus calme, étant celle de la bibliothèque de la Goutte d'Or.

    Prostitution
    La vigie Fleury dans les années 1970


      

    Du claque au "souk"

    L'année 1946 va marquer un tournant pour la prostitution avec la loi du 13 avril qui interdit les maisons de tolérance. Les locaux ayant abrité des maisons closes sont réquisitionnés pour être transformés en logements pour les étudiants. C'est ce qui aurait dû être le cas du 1 rue Fleury/76 boulevard de la Chapelle, mais en 1949 la maison a été considérée par l'autorité publique comme "inutilisable en raison de son état", ce qui en dit long sur les conditions dans lesquelles la prostitution s'exerçait ici. Le 106 du boulevard de la Chapelle reviendra lui à l'Armée du Salut.
     

    106
    106 boulevard de la Chapelle 

    Mais si les maisons de tolérance sont fermées, les hôtels de passe vont continuer tant bien que mal à abriter du commerce sexuel, en toute illégalité et en jouissant d'une certaine impunité. Mais l'activité diminue et le parc immobilier mal entretenu, les chambres crasseuses des garnis et la réputation entachée du quartier obligent les hôteliers et autres loueurs à s'ouvrir à une clientèle dont personne ne veut ailleurs, à savoir des personnes "défavorablement connues de la justice" et des travailleurs pauvres, notamment de nombreux Algériens que l'on surnomme avec mépris les "bicots" ou les "sidis". Le Sud du quartier de la Goutte d'Or commence à devenir le "quartier arabe" qu'il est encore. Cette partie du quartier prend alors le surnom péjoratif et raciste de souk.

     

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitutionAu croisement des rues de Chartres et de la Charbonnière, Paris-Match, 20 juin 1955 
     

    Dans le souk, le commerce sexuel doit s'adapter à la nouvelle clientèle arrivée d'Afrique du Nord et qui devient prépondérante. Mais cela se passe difficilement, les prostituées rechignent à accepter les hommes arabes comme clients. En 1948, une ancienne prostituée, Marie-Thérèse, décrit sa confrontation avec la clientèle maghrébine : "Boulevard de La Chapelle, où je suis finalement rentrée, c'était aussi une taule d'abattage et aussi pleine de Bicots, ils me dégoûtaient, mais la taulière m'a dit : « Si tu veux travailler ici, il faut les faire ». Si avant on "se formait au métier", à présent c'est ici que se finissent, mal, les carrières des prostituées. L'opposition des prostituées est telle que les tenanciers font venir des prostituées algériennes pour une clientèle qui finit par être presque exclusivement arabe. La vision ségrégatrice coloniale française est transposée ici, le travail sexuel s'organise dans une division raciste comme dans les colonies. 

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution
    Rue de Chartres, (photo de Claude Vénézia, 1973)
     

    Les derniers hôtels de passe finissent par fermer dans les années 1970. Dans les années 1980, la réhabilitation du Sud du quartier de la Goutte d'Or va effacer les traces de ce passé peu glorieux. En effet, la destruction quasi systématique des immeubles anciens, pas toujours insalubres, a laissé place à de nombreuses constructions sans grâces et sans style. Le souvenir de la Goutte d'Or comme un haut lieu de la basse prostitution et celui des milliers de femmes qui ont vécu ici une vie pour le moins difficile, durant pratiquement cent cinquante ans, s'en sont ainsi allés.

     

     

    NOTA: Depuis quelques années, une prostitution de rue s'est réinstallée, plus au Nord dans le quartier. Mais nous ne traiterons pas de ce sujet ici, car ce n'est pas l'objet de ce blog et surtout par égard pour ces femmes.

       

    Annexes  


     Tableau des établissements liés à la prostitution. 
     

    Précisions:

    • Seule l'activité officielle est indiquée, l'activité liée à la prostitution étant le plus souvent semi-clandestine. Certains établissements se consacraient entièrement à l'activité prostitutionnelle tandis que d'autres cela représentait une activité annexe, cette activité a pu varier dans le temps.
    • Le terme "débit de boissons" regroupe les bars, brasseries, cafés, et les "vins et charbons".
    • Les dates d'exploitation sont indiquées quand la documentation peut en attester, elles ne correspondent pas nécessairement à la durée réelle de l'activité.

    Enseigne

    Adresse

    Activité

    Propriétaire / gérant

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution

     50 boulevard de la Chapelle

    Débit de boissons

     

     

     56 boulevard de la Chapelle

    Débit de boissons

     Gannac (1881)

     Merandon (1901)

    Grand Hôtel de l'Aveyron

    Hôtel de Chambery

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution

     60 boulevard de la Chapelle / 1 rue de Chartres

    Hôtel / Débit de boissons

     Valette (1879)

     Goutal (1881)

     Bezou (1901)

    Hôtel de Metz

     62 boulevard de la Chapelle

    Hôtel / Débit de boissons

     Koob (1896)

     Eger (1901)

     

     66 boulevard de la Chapelle

    Débit de boissons

     Chauvin (1901)

     

     72 boulevard de la Chapelle

    Hôtel / Débit de boissons

     Bougnot (1881)

     Danty   (1901)

     

     74-76 boulevard de la Chapelle

    Débit de boissons

     Jean-Baptiste Isidore Leroy (1863)

    Au Retour des Hirondelles

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution

     74boulevard de la Chapelle / 2 rue Fleury

    Débit de boissons

     Hilt (1881)

     Courbebaisse (1889)

     Brunet (1901)

     Vicaire (1909)

     Canis (1915)

    Hôtel Fleury

    Royal Hôtel

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution

     74 boulevard de la Chapelle / 2-4 rue Fleury

    Hôtel

     

    Vigie Fleury

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution

     74 boulevard de la Chapelle / 2 rue Fleury

    Poste de police

     

    1 (76)

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution

     76 boulevard de la Chapelle / 1 rue Fleury

    Maison de tolérance

     Benoît

     

     80 boulevard de la Chapelle

    Débit de boissons

     Marly (1901)

     Boutonnet (1920)

    Hôtel de Bruxelles

     80 boulevard de la Chapelle

    Hôtel

     

    Hôtel de Strasbourg

     82 boulevard de la Chapelle

    Hôtel / Débit de boissons

     Gaillard (1879)

     Ambriester (1896)

     Gamet   (1901)

     

     90 boulevard de la Chapelle

    Débit de boissons

     Duluc (1901)

     

     92 boulevard de la Chapelle / 31 rue de la Charbonnière

    Hôtel

     Costerousse (1881)

     Gilibert (1896-1920)

     

     

     94 boulevard de la Chapelle

    Débit de boissons

     Bardou (1896-1901)

     

     96 boulevard de la Chapelle

    Débit de boissons

     Arnould (1881)

     Petit (1901)

    Estaminet de France 

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution

     98 boulevard de la Chapelle / 37 rue de la Charbonnière

    Hôtel / Débit de boissons

     Dupuis (1853)

     Vargnier (1880)

     Veuve Poillot (1901)

     Gaillot (1920)

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution

     

     100 boulevard de la Chapelle

    Débit de boissons

     Petit (1881)

     Rougé (1896)

     Cucuel (1901)

     Boimond (1920)

     

     102 boulevard de la Chapelle

    Débit de boissons

     Veuve Despaquis (1881)

    Hôtel du Haut-Rhin

    Grand Hôtel

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution

     104 boulevard de la Chapelle

    Hôtel

     Pouget (1896-1905)

     Delcassan (1905-)

     

     

     104 boulevard de la Chapelle

    Débit de boissons

     Jeanpierre (1896)

     Lamette (1898-1901)

    106

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution

     106 boulevard de la Chapelle

    Maison de tolérance

     Jeanne

    Hôtel de Bourgogne

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution

     108 boulevard de la Chapelle

    Hôtel / Débit de boissons

     Eugène Parisot (1886)

     Jules Ortola (1894-1896)

     

     112 boulevard de la Chapelle

    Débit de boissons

     Vernet (1881)

    Hôtel de l’Europe

     114 Boulevard de la Chapelle

    Hôtel / Débit de boissons

     Bouloc (1881)

     Cormières (1896-1901)

     

     3 rue Caplat 

    Débit de boissons

     Gaillard (1894)

     

     5 rue Caplat

    Débit de boissons

     Delavier (1894)

    L’Ètoile du Nord

     7 rue Caplat

    Hôtel / Débit de boissons

     Biron (1894-1896)

     

     9 rue Caplat / 47 rue de la Goutte d’Or

    Débit de boissons

     Hirshberger (1879)

     Séquard (1881)

     Martin (1894)

     

     2 rue de Chartres

    Débit de boissons

     Civiel (1881)

     Bricout (1920)

     Montpentel (-1933)

     Augrandmeny (1933-)

     

     4 rue de Chartres

    Hôtel / Débit de boissons

     Witz (1901)

     Delaie (1920)

     

     5 rue de Chartres

    Débit de boissons

     Gineston (1901)

     Echalier (1920)

     

     6 rue de Chartres

    Hôtel / Débit de boissons

     Auzole (1901)

     Gardes (1920)

     

     7 rue de Chartres

    Débit de boissons

     Burn (1920)

     

     8 rue de Chartres

    Débit de boissons

     Salmah (-1936)

     Zemali (1936-)

     Zeghoudi (-1938)

     Salah (1938-)

    Hôtel de Calais

     10 rue de Chartres

    Hôtel / Débit de boissons

     Masson (1881)

     Valdemane (1901)

     Kholer (1920)

     

     12 rue de Chartes

    Hôtel / Débit de boissons

     Fabre (1901)

     

     13 rue de Chartres

    Débit de boissons

     Randon (1881)

     Defay (1901)

     

     14 rue de Chartres

    Débit de boissons

     Passelac (1901)

     Chassang (1920)

     Gineston (1934)

     

     18 rue de Chartres

    Débit de boissons

     Cabrolier (1881)

     Coupiac (1901)

     Gouteronde (1920)

     

     21 rue de Chartres

    Débit de boissons

     Boudelot (1901)

     Guénard (1920)

     

     22 rue de Chartres

    Débit de boissons

     Marmès (1920)

     

     23 rue de Chartres

    Débit de boissons

     Abdelkader Hamadouche, Zianni Ellouel, Mohammed Ghomari (-1937)

     Mohammed Guenineche (1937-)

    Hôtel beau-Séjour

     25 rue de Chartres

    Hôtel / Débit de boissons

     Charlot (1881)

     Escuder (-1934)

     Carriere (1934-)

     

     26 rue de Chartres

    Débit de boissons

     Testas (1901)

     

     28 rue de Chartres

    Hôtel / Débit de boissons

     Cassan (1920)

     

     31 rue de Chartres

    Hôtel / Débit de boissons

     Boulet (1920)

     Mille et Hoch (-1935)

     Marcel Bordel (1935-)

     

     33 rue de Chartres

    Hôtel / Débit de boissons

     Lavergne (1901)

     

     40 rue de Chartres

    Débit de boissons

     Raynal (1920)

    Hôtel du Transvaal

     42 rue de Chartres

    Hôtel

     

    Café de la Pointe

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution

     44 rue de Chartres

    Débit de boissons

     Olivier (1901)

     Pytre (1920-1933)

     

     

     2 rue de la Charbonnière

    Débit de boissons

     Cadolle (1901)

     Madame Labarthe (-1921)

     

     3 rue de la Charbonnière

    Débit de boissons

     Jacques (1901-1920)

     

     4 rue de la Charbonnière

    Hôtel / Débit de boissons

     Laffon (-1906)

     Vergongeanne (-1908)

     Planchon (1908-)

     Madame Chalvignac (1916)

     Deneboulde (1920)

    Grand Hôtel de la Victoire

     9 rue de la Charbonnière

    Hôtel / Débit de boissons

     Soucquet (1881-1891)

     Bertrand (1891-)

     Moisset (1897)

     Fabre (1901)

     Cattet (1920)

     Société de la Victoire (1928)

     

     10 rue de la Charbonnière

    Débit de boissons

     Gros (1881)

     Bottolier-Dunand (1882-)

     Bardinet (1901)

     

     11 rue de la Charbonnière

    Débit de boissons

     Vayssade (1901)

     Vinait (1930)

     

     12 rue de la Charbonnière

    Hôtel / Débit de boissons

     Noal (1881-1901)

     Vidalain (-1909)

     Carron (-1912)

     

     14 rue de la Charbonnière

    Débit de boissons

     Desarthe (1901)

     

     17 rue de la Charbonnière

    Débit de boissons

     Belzacq (1887)

     Beauvais et Cie (1901)

     Ginard (-1933)

     Marsaud (-1937)

     Veuve Guiard (1937-)

     

     18 rue de la Charbonnière

    Débit de boissons

     Sinègre (1881-1901)

    La Cigogne

     19 rue de la Charbonnière

    Débit de boissons

     Robert (1901)

     Brazès (1920)

    Au Soleil d’Or

     21 rue de la Charbonnière

    Hôtel

     Aumont (-1906)

     Eugénie Vincent ép. Maçon (1928)

     

     20 rue de la Charbonnière

    Débit de boissons

     Gallot (-1900)

     Lucin (1900-)

    Hôtel Saint-Ange

     22 rue de la Charbonnière

    Hôtel

     Simon (1901-1912)

     Cousteix (1912-)

    Clair de Lune

     22 rue de la Charbonnière

    Débit de boissons

     Madame Claude (1932)

     

     23 rue de la Charbonnière

    Hôtel / Débit de boissons

     Madame Renault(1927)

     

     24 rue de la Charbonnière

    Débit de boissons

     Gheduzzi (1896)

     Avril (1901)

     Henry (1920)

     Madame Grimm (-1938)

     Salah (1938-)

    25

     25 rue de la Charbonnière

    Maison de tolérance

     Munsinger (1885)

     Caumartin (1896)

     Grossetête (1897)

     Millioz (1901)

     

     27 rue de la Charbonnière

    Débit de boissons

     Vergnaud (1895)

     

     29 rue de la Charbonnière

    Débit de Boissons

     Madame Borel (-1889)

     

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution

     32 rue de la Charbonnière / 2 rue Caplat

    Débit de boissons

     Rouquet (-1896)

     Molinier (1894)

     

     33 rue de la Charbonnière

    Hôtel / Débit de boissons

     Leroy (1879)

     Claude (-1880)

     Sabrazès (1880-1882)

     Mercou (1882-)

     Richard (1901)

     

     34 rue de la Charbonnière

    Débit de boissons

     Laborde (1901)

     Terville (-1937)

     Cuvellier (1937-)

     

     35 rue de la charbonnière

    Hôtel / Débit de boissons

     Petit (-1879)

     Veuve Petit (1879-1881)

     Coliard (1901)

     Fernand et Louis  Bonnefoy(1932)

     

     36 rue de la Charbonnière

    Débit de boissons

     Hébert

    Hôtel du Midi

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution

     40 rue de la Charbonnière

    Hôtel / Débit de boissons

     Bonnet (1901-1920)

     Veuve Valade (-1936)

     Pilorget (1936-)

     Madame Tetu (-1938)

     Mademoiselle Chagneaud (1938-)

     

     42 rue de la Charbonnière

    Débit de boissons

     Delbor (1920)

     

     11 rue de la Goutte d’Or

    Hôtel

     Labarthe (1920)

    Grand Hôtel d’Alger

     15 rue de la Goutte d’Or

    Hôtel

     Mme Charmelet (1920)

     

     19 rue de la Goutte d’Or

    Débit de boissons

     Favier (1920)

     

     21 rue de la Goutte d’Or

    Débit de boissons

     Combes (1920)

     

     27 rue de la Goutte d’Or

    Débit de boissons

     Schill (1920)

    Hôtel de la Goutte d’Or

     28 rue de la Goutte d’Or 28 / 1 rue des gardes

    Hôtel / Débit de boissons

     Lecuir (hôtel - 1874)

     Viguier (Débit – 1920)

     

     29 rue de la Goutte d’Or

    Débit de boissons

     Calsat (1920)

     Maurice Jossin (1933)

     

     34 rue de la Goutte d’Or

    Débit de boissons

     Grillon (1920)

     

     36-38 rue de la Goutte d’Or

    Débit de boissons

     Wiart (1920)

     

     37 rue de la Goutte d’Or

    Débit de boissons

     Brégou (1904-1920)

     Hivert (-1929)

     Massari (1929-)

     

     42 rue de la Goutte d’Or

    Débit de boissons

     Soubatre (1920)

     

     44 rue de la Goutte d’Or

    Hôtel / Débit de boissons

     Duraton (1920)

    Hôtel du Chemin de Fer

    du Nord

     3 rue Fleury

    Hôtel / Débit de boissons

     Mainfroy (1862)

     Noël (1887)

     Durand (1893)

     Albaret (1896)

    Hôtel Phenix

    La Goutte d'Or, haut lieu de la basse prostitution

     3 rue des Islettes

    Hôtel

     (1920-1938)

     

    Références

    Pour approfondir ce sujet, on lira avec intérêt:

    • Philippe Chassaigne, "Du Guide Rose au « Rainbow Flag » : la géographie du « Paris défendu » au xxe siècle, entre clandestinité et visibilité", in Sylvie Aprile & Emmanuelle Retaillaud-Bajac (dir.), Clandestinités urbaines, Rennes, PUR, 2008, p. 295-308.
    • Alain Corbin, Les filles de noce. Misère sexuelle et prostitution au XIXe siècle, Paris, Aubier, 1978.
    • Alexandre Frondizi, "Les trafics dans la pierre. Prostitutions, espace public et commerces à la Goutte d’Or à la fin du XIXesiècle", Espaces et sociétés, 4/2013 (n° 155), p. 95-110. Disponible en ligne : http://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2013-4-page-95.htm
    • Alexandre Frondizi, "Histoires de trottoirs. Prostitution, espace public et identités populaires à la Goutte-d'Or, 1870-1914.", Genre & Histoire, 4 | Printemps 2009. Disponible en ligne: http://genrehistoire.revues.org/747
    • Alexandre Frondizi, "Les trottoirs de la Goutte d'Or", magazine Histoire, janvier 2013. 
    • Serge Garde, L'industrie du sexe, Paris, Messidor, 1987
    • Christelle Taraud, La prostitution coloniale. Algérie, Maroc, Tunisie (1830-1962), Paris, Éditions Payot & Rivages, 2003

     

     

     

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    33 commentaires
  • Goutte d'Or, Barbès, Château-Rouge, La Chapelle, Montmartre, Clignancourt... voilà des toponymes familiers pour les Parisiens et plus particulièrement pour les habitants du 18e arrondissement. Mais de quels lieux parlons-nous exactement ? Entre les délimitations administratives, les usages des habitants et la perception extérieure, médiatique notamment, il bien difficile de s'y retrouver. Alors sortons les cartes et précisons les contours de ces territoires du Nord de Paris.

     

    Mairie 18e
    Détail de la façade de la mairie du 18e arrondissement

     

    Un peu d'histoire

    Pour mieux comprendre comment se sont dessinés les contours du 18e arrondissement, de ses quartiers et de celui de la Goutte d'Or en particulier, il convient de se pencher sur son histoire et particulièrement à celle de leur création en 1860.

    Napoléon III, avec le concours du préfet de Paris Haussmann, veut continuer la transformation urbaine de Paris en repoussant ses frontières, alors matérialisées par le mur des Fermiers généraux (le "mur murant" Paris), jusqu'aux fortifications de Thiers (l'actuel périphérique) en annexant les communes limitrophes. L'opération ne se fait pas sans heurt, certaines communes des faubourgs sont très réticentes à cette annexion, voire totalement opposée comme le conseil municipal de la ville de la Chapelle Saint-Denis mené par son maire Hébert qui en était un farouche adversaire.

     

    1860 Annexion
    "Le ville de Paris se donnant des étrennes et s'octroyant seule les maisons de la banlieue"

    (cliquer sur les images pour agrandir)

     

    Cet agrandissement oblige à un nouveau découpage administratif. Les douze anciens arrondissements sont redéfinis et les communes annexées constituent huit nouveaux arrondissements. L'ensemble forment les vingt arrondissements que nous connaissons aujourd'hui, chacun étant partagé en quatre quartiers administratifs.

     

    Toponymie
    Carte de l'agrandissement de Paris de 1860 Atelier Grand Paris

      

    Chaque nouvel arrondissement ainsi que ses quartiers sont numérotés et portent des noms de lieux emblématiques pour les caractériser. Ainsi, le dix-huitième arrondissement, dit "des Buttes Montmartre", est formé à partir de plusieurs communes faubouriennes et se compose comme suit : le quartier des Grandes Carrières (n°69) qui englobe une partie de Montmartre ainsi qu'une portion des Batignolles et une de Saint-Ouen ; le quartier de Clignancourt (n°70), du nom de l'ancien hameau dépendant de Montmartre, qui s'étend sur la partie orientale de Montmartre ; l'ancienne commune de La Chapelle Saint-Denis est elle divisée en deux pour former les quartiers de La Goutte d'Or (n°71) et de La Chapelle (n°72).

     Andriveau Goujon 1860Plan des 20 arrondissements de Paris, Andriveau Goujon, 1860

     

    Le quartier administratif de la Goutte d'Or a pour limite le boulevard de la Chapelle au Sud, les rues Marx Dormoy et de la Chapelle à l'Est, le périphérique au Nord et une partie du boulevard Barbès et la rue des Poissonniers à l'Ouest.

      

    Goutte d'Or administratifQuartier administratif de La Goutte d'Or

     

    Il tient son nom d'un petit hameau qui qui s'étendait sur le versant Sud de la Butte des Couronnes (ou Butte des Cinq Moulins) et dont le territoire était circonscrit entre l'actuel boulevard de Barbès et la rue des Poissonniers à l'Ouest, le boulevard de la Chapelle au Sud, la rue Caplat à l'Est et la rue Polonceau au Nord (alors rue des Couronnes). Ce hameau tenait lui-même son nom d'une auberge à l'enseigne de Goutte d'Or, établie à cet endroit. La rue de la Goutte d'Or tient son nom de son tracé qui conduisait à ce petit hameau.

    Jusqu'au milieu du 19e siècle, la partie urbanisée comprise entre le hameau de la Goutte d'Or et la place de La Chapelle formait le hameau Saint-Ange, du nom des promoteurs qui firent lotir ces terres, Monsieur et Madame Truttat de Saint-Ange. La partie du boulevard de la Chapelle qui longeait ce hameau, entre la place de la Chapelle et la rue de la Charbonnière, s'est appelé boulevard Saint-Ange et la place formée par le croisement des rues de Chartres et de la Charbonnière était nommé place Saint-Ange, tous deux perdirent officiellement leur nom en 1877.

    1849
    Annonce pour une vente aux enchères "d'une maison et dépendances sises
    au hameau Saint-Ange" au 21 rue de Jessaint (Le Constitutionnel, 22 juillet 1849)

    Mais la consécration administrative du nom de la Goutte d'Or fera assez vite disparaître le nom de Saint-Ange des usages et seul le pont Saint-Ange qui enjambe les voies de chemin de fer du Nord perpétue aujourd'hui la mémoire de ce nom. 

    1846 
    Partie Sud du futur quartier de la Goutte d'Or sur le plan du cadastre, 1846

     

    Après cette petite révolution, l'usage va vite populariser le nom de la Goutte d'Or, mais essentiellement pour la moitié Sud du quartier administratif. La partie Nord est alors presque totalement occupée par des activités industrielles et ferroviaires, pour nommer ce territoire, on se sert de repères toponymiques comme les portes de La Chapelle ou des Poissonniers ou encore la gare de marchandise de La Chapelle. 

     

    La Goutte d'Or

    Aujourd'hui, les habitants du cru sont toujours très attachés au nom de la Goutte d'Or pour nommer leur quartier. Mais ce toponyme se restreint à un territoire moins vaste que le quartier administratif, compris dans un quadrilatère formé par le boulevard Barbès à l'Ouest, le boulevard de la Chapelle au Sud, les voies de chemin de fer du Nord à l'Est et la rue Marcadet au Nord (voir carte en annexe plus bas). Les parties du quartier administratif de la Goutte d'Or situées au Nord de la rue Marcadet et à l'Est des voies de chemin de fer se retrouvent plutôt sous les vocables de Marcadet-Poissonniers, Amiraux-Simplon, Marx Dormoy, La Chapelle, Chapelle-International ou encore Porte de La Chapelle.

    Bon nombre de signes dans la vie au Sud du quartier rendent visible cet attachement à l'appellation Goutte d'Or, citons notamment : l'association Accueil-Goutte d'Or (rue Laghouat), le bar la Goutte Rouge (rue Polonceau), l'association la Goutte d'Ordinateur (rue Léon), la Brasserie de la Goutte d'Or (rue de la Goutte d'or), l'association Cavé-Goutte d'Or, le restaurant À la Goutte d'Or (rues de la Goutte d'Or et de Chartres), l'auto-école La Goutte d'Or des Nations (rue de la Goutte d'Or), la boucherie La Goutte d'Or (rue de Chartres), la Coopérative alimentaire de la Goutte d'Or (rue Stephenson), le jardin partagé itinérant La Goutte Verte, le média numérique gouttedor-et-vous.org ou encore l'association Espoir Goutte d'Or (rue saint-Luc).

     

    Fête de la Goutte d'Or 
    Des gouttes d'or sur les grilles du square Saint Bernard-Saïd Bouziri pour la fête de la Goutte d'Or, le 10 juin 2015

     

    Mais si ses habitants se réclament de la Goutte d'Or, de l'extérieur on confond souvent le quartier avec le carrefour dit "Barbès". Cette confusion tient à une véritable révolution des usages toponymiques à Paris qu'a opérée l'arrivée du métro.

     

    Barbès 

    À Paris, on se repère par ses monuments, par la Seine, par ses quartiers ou encore par les portes qui l'entourent. Mais l'arrivée du métro au début du 20e siècle, qui essaime ses stations dans la capitale, va donner de nouveaux repères topographiques aux Parisiens. Et leur importance est telle que les stations de métro ont créé de nouveaux noms de territoire.

    La station de métro Barbès-Rochechouart, où se croisent les linges 2 et 4, et plus souvent nommée dans sa version abrégée de "Barbès", est de ces stations. Elle tient son nom des deux boulevards qui se joignent ici. Le boulevard de Rochechouart porte le nom de Marguerite de Rochechouart de Montpipeau (1665-1727), une abbesse de Montmartre ; le boulevard Barbès, initialement boulevard Ornano jusqu'en 1892, doit son nom à Armand Barbès, surnommé le Bayard de la démocratie.

    Ces deux boulevards, percés en 1790, longeaient le Mur des Fermiers généraux à l'extérieur de Paris. Avec l'annexion des communes limitrophes et la destruction du mur en 1860, les chemins de rondes qui longeaient le mur coté Paris ont été intégrés aux boulevards adjacents pour leur conférer leur largeur actuelle. 

     

    Station Barbès Rochechouart
    La station de métro Barbès-Rochechouart en construction, quais de la ligne 2, 1903

     

    Le carrefour Barbès est établi sur l'ancienne Barrière Poissonnière, une porte secondaire qui ouvraient le Mur des Fermiers généraux, qui marquait là l'entrée de Paris jusqu'en 1860. Une barrière qui servit elle aussi en son temps à nommer ses environs.

    Barrière Poissonnière 1819
    J. L. G. B. Palaiseau, "Barrière Poissonnière" 1819

     

    Le carrefour formé ici parles boulevards Rochechouart, Magenta, de la Chapelle et Barbès, marqué par la station de métro "Barbès", est rapidement devenu pour les Parisiens le "carrefour Barbès". 

    L'usage a fini par consacrer Barbès pour désigner le carrefour où se joignent les 9e, 10e et 18e arrondissements et les rues environnantes, influencé notamment par la réputation commerciale du lieu qui dépasse les frontières nationales, "Tati Barbès" restant encore un référent topographique, dans les pays du Maghreb entre autres.

     

    Barbès
    Carrefour Barbès, mai 2015

     

    Mais pour la majorité des habitants dans le quartier, si vous parlez de "Barbès" en lieu et place de la Goutte d'Or, et si ce n'est pour désigner le carrefour ou le boulevard éponyme, vous serez vite identifié comme une personne extérieure et peu informée sur le secteur que vous évoquez.

     

    Château Rouge

    Autre station de métro qui marque son territoire environnant de son nom : Château Rouge. Cette station sert aussi aujourd'hui à nommer ses environs mais, contrairement à la station Barbès-Rochechouart, elle rétablit ainsi un toponyme ancien. En effet, la station de métro tient son nom de la place du Château Rouge où elle est située. Cette place a été nommée en souvenir du Château Rouge, propriété qui abrita le célèbre bal éponyme, sur les terrains duquel elle fût ouverte. 

     

    Bal du Château Rouge 
    Affiche du Bal du Château Rouge

     

    Le Château Rouge s'étendait sur la commune de Montmartre, entre le chemin de Clignancourt (aujourd'hui rue Ramey) à l'Ouest, la rue des Vinaigriers (aujourd'hui rue Christiani) au Sud, le chemin des Poissonniers à l'Est (le chemin -puis rue- des Poissonniers était la frontière entre les communes de Montmartre et de la Chapelle jusqu'à leur annexion à Paris) et débordait l'actuelle rue Doudeauville au Nord. Le parc a commencé à être loti durant la première moitié du 19e siècle, un lotissement qui fit totalement disparaître la propriété avant la fin du 19e siècle. Peu à peu, le nom du Château Rouge ne finit que par désigner la place éponyme. Mais l'ouverture de la station de métro a fait resurgir le nom du Château Rouge qui désormais rayonne au-delà de la place du même nom.

     

    Toponymie 
    Lotissement du Château Rouge, source: Paris Atlas Historique

     

    Aujourd'hui, le territoire informel qui se dessine autours de la station de métro et que ses habitants et visiteurs nomment Château Rouge (voir carte en annexe plus bas) recouvre peu ou prou les frontières de l'ancienne propriété qui avait vu le jour à cet endroit à la fin du 18e siècle. Ici, le métro à réussi à faire resurgir et perpétuer un toponyme que l'urbanisation avait failli faire disparaître.

     

    Goutte d'Or-Château Rouge

    La mise en place des Conseils de quartier -une expérimentation de démocratie participative- dans les arrondissements parisiens a dessiné des contours de quartier qui se veulent plus proches de la réalité sociale vécue. Ainsi le 3e Conseil de quartier du 18e arrondissement prend pour nom Goutte d'Or-Château Rouge. Son territoire est délimité par les boulevards de Rochechouart et de la Chapelle au Sud, la rue de Clignancourt à l'Ouest, la rue Ordener au Nord et les voies de chemin de fer du Nord à l'Est.

     

    Conseil de quartierConseil de quartier Goutte d'Or-Château Rouge

     

    La partie Nord du quartier administratif de la Goutte d'Or est logiquement séparée, ces deux parties ayant chacune une vie propre comme nous l'avons évoqué plus haut (voir également la carte en annexe plus bas). Il en est de même pour la partie à l'Est des voies de Chemin de fer dont la vie est tournée vers le quartier de La Chapelle. Si les alentours immédiats de la station de métro Château Rouge trouvent leur place dans cette configuration avec une vie qui se confond avec celle de la Goutte d'Or, on peut être plus dubitatif sur la partie Ouest comprise entre le Boulevard Barbès et la rue de Clignancourt. En effet, ce que les promoteurs immobilier nomment le "bon coté du boulevard" (sic) est plutôt tourné vers Montmartre ou vers la mairie du 18e près de la rue Ordener. Il n'est même pas certain que les habitants de ce coté sachent qu'ils font partie de ce Conseil de quartier. D'ailleurs, les séances plénières du Conseil de quartier Goutte d'Or-Château Rouge n'attirent guère que les habitants de la Goutte d'Or, pas au-delà du boulevard Barbès. 

      

    Bezbar

    Finissons par une dénomination un peu moins connue mais néanmoins marquante dans le territoire qui nous intéresse : Bezbar.

     

    Toponymie Toponymie Toponymie

     

    Verlan de Barbès, Bezbar (parfois abrégé en BZB) est utilisé dans la culture urbaine et rap pour désigner un territoire qui s'étend sur la partie Sud de la Goutte d'Or, comme un "Barbès" élargi (voir la carte en annexe plus bas). D'un usage oral, on retrouve ce toponyme vernaculaire à travers des tags sur les murs du quartier. On peut également rencontrer des rappeurs dont le nom revendique son attache au quartier comme l'Indien 2 Bezbar ou Guy 2 Bezbar. Évoquons enfin le morceau de la Scred Connexion : B.E.Z.B.A.R.

     

    Bezbar
    Fresque improvisée, rue Caplat, janvier 2017

     

     Documents annexes

     

    Toponymie 
    Limites du quartier administratif de la Goutte d'Or et du Conseil de quartier Goutte d'Or-Château Rouge

     

    Précision : les territoires informels représentés ici sont indicatifs et ne reflètent pas forcément l'acception que chacun peut s'en faire. Il a fallu recourir à des limites arbitraires pour traduire des appartenances territoriales subjectives. 

     

    Toponymie 
    Limites des territoires informels

     

     Pour plus de détails sur les rues de la Goutte d'Or, voir sur ce blog l'article : "Les rues de la Goutte d'Or"

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  • La Goutte d'Or est un quartier relativement enclavé, ceinturé par les boulevards Barbès et de la Chapelle, les voies de chemin de fer du Nord et la rue Ordener. Sa topographie actuelle est l'héritage d'une urbanisation privée menée durant la première moitié du XIXème siècle. La commune de La Chapelle Saint-Denis, dont dépendait la Goutte d'Or jusqu'à l'annexion des communes faubouriennes en 1860, et ensuite la ville de Paris ont cherché à désenclaver ce territoire urbain en perçant de nouvelles voies. Cette ambition municipale a toutefois été bien modeste et beaucoup des projets de voies nouvelles n'ont jamais vu le jour. La carte ci-dessous liste les voies projetées mais jamais réalisées sur le territoire de la Goutte d'Or. Parmi les projets avortés, nous nous intéressons ici à un projet inachevé, le prolongement de la rue Ernestine.

     

       

     

    Une voie privée

    La rue Ernestine commence au 44 rue Doudeauville et finit au 25 rue Ordener. C'est une petite artère de 215 mètres de long et 10 mètres de largeur, elle est orientée dans un axe Sud-Nord. Percée vers 1840 entre la rue Doudeauville et la rue Marcadet sur une initiative privée, elle porterait le prénom de l'épouse d'un ancien propriétaire selon la version officielle, d'autres sources parlent du prénom de sa fille, mais aucun document ne vient attester ces différentes assertions. Elle devient ensuite une voie publique de La Chapelle Saint-Denis (en ?). En 1860, elle intègre le territoire parisien avec l'annexion des communes suburbaines. Elle est prolongée de quelques mètres au Nord, entre la rue Marcadet et la rue Ordener, lors du percement de cette dernière en 1868.

     

     rue Ernestine
    Rue Ernestine, début du XXème siècle 

    (Cliquer sur les images pour agrandir) 

     

    En route vers le Sud

    Dans les années 1860, dans la continuité des travaux de transformation urbaine du baron Haussmann, des nouvelles voies sont projetées dans le quartier de la Goutte d'Or. Ainsi, l'église Saint-Bernard nouvellement édifiée (1858-1861) est pensée comme le centre d'un plan en étoile comme le montre la carte ci-dessous. En plus de désenclaver le quartier, ce plan en étoile permet d'ouvrir des perspectives monumentales sur l'église Saint-Bernard.

     

    1851-1868
    Plan levé de 1851 à 1868

     

    Plan Sagansan 1866
    Plan Sagansan, 1866

     

    On peut y voir la projection d'une rue Ernestine allant du boulevard de la Chapelle, au début de la rue de Chartres, jusqu'à la rue Ordener en passant par l'axe tracé par le transept de l'église Saint-Bernard. Deux tronçons, celui entre la rue de Jessaint et la rue Saint-Bruno (alors rue de Valence) et celui entre la rue Saint-Mathieu et la rue Cavé, sont d'ors et déjà ouverts à l'occasion de l'aménagement des abords de l'église Saint-Bernard en 1868 (création des rues Saint-Luc et Saint-Mathieu et prolongement de la rue de Valence qui devient la rue Saint-Bruno). Il reste quatre tronçons à percer pour que le projet aille à son terme : entre le Boulevard de la Chapelle et la rue de Jessaint, entre la rue Cavé et la rue Myrha (alors rue de Constantine), entre la rue Myrha et la rue Laghouat et entre la rue Laghouat et la rue Doudeauville.

    rue Ernestine

     

    Trois rues en une

    Un arrêté préfectoral du 20 juillet 1868 attribue le nom de rue Ernestine aux deux parties nouvellement ouvertes. Mais cette dénomination est bien peu pratique : la rue Ernestine commence rue de Jessaint, elle est barrée par l'église Saint-Bernard au bout de 74 mètres, ensuite la deuxième partie s'arrête rue Cavé au bout de 42 mètres, et enfin, il faut faire un grand détour en empruntant pas moins de trois rues pour rejoindre la dernière partie de la rue Ernestine partiellement prolongée. Voilà qui est problématique pour qui cherche une adresse dans cette artère. On renomme alors la première partie "rue Ernestine prolongée", mais cette légère modification ne résout pas les problèmes engendrés par cette rue en pointillés. En 1874, il est finalement décidé de renommer les deux tronçons encore très éloignés de leur but. Le premier, au Sud de l'église Saint-Bernard, prend le nom de rue Pierre l'Ermite et le deuxième, au Nord de l'église, celui de rue Saint-Jérome (Arrêté du 19 décembre 1874).

     

    Arrêté 1874
    Extrait de l'arrêté du 19 décembre 1874

     

    Rue Pierre l'Ermite
    Rue Pierre l'Ermite 

     

    Rue Saint Jérome
    Rue Saint Jérome

     

    Un prolongement sans fin

    Malgré ces nouveaux baptêmes le projet n'est pas abandonné. En 1883, les terrains et habitations situés entre la rue Cavé et la rue Doudeauville sont frappés de droit de préemption par la ville de Paris en vue du prolongement de la rue Ernestine, mais pour autant point de percement en vue. Et pourtant la population de la Goutte d'Or souhaite voir aboutir ce fameux prolongement, pour cela elle adresse à la municipalité plusieurs pétitions pour réclamer la mise en oeuvre du projet en 1885, 1887, 1891, 1892, 1896, 1899 et 1900. On passe le projet en commission, on étudie dans les services, la préfecture donne son avis, mais rien ne se concrétise. 

     

    1882Plan Andriveau et Goujon, 1882

     

    La décision du prolongement de la rue Stephenson, parallèle à la rue Ernestine, jusqu'au boulevard de la Chapelle va mettre un frein au projet. En effet, avec le percement de ce qui deviendra la rue de Tombouctou dans le prolongement de la rue Stephenson, celui de la rue Ernestine devient moins urgent. Il faudra donc attendre encore pour qu'il se réalise. 

    En 1903 le conseil municipal classe le prolongement de la rue Ernestine entre la rue Cavé et la rue Myrha comme opération "2ème urgence" et provisionne à cet effet la somme de 306.000 Frs. Mais rien ne vient, le rue Ernestine ne se prolonge toujours pas. Cependant, ce prolongement apparaît encore sur les plans du quartier, parfois comme rue projetée, parfois comme une voie déjà ouverte. C'est sur une carte de 1928 que la rue Ernestine prolongée est tracée pour la dernière fois. Comme on peut s'en rendre compte aujourd'hui, le projet fut définitivement abandonné, mais les rue Saint-Jérome et Pierre l'Ermite restent les témoins de cette tentative d'ouvrir une artère centrale Sud-Nord dans la quartier de la Goutte d'Or.

     

    1911Plan Baedeker, 1911

     

    1928
    Plan Leconte, 1928

     

    Sauvée!

    Le prolongement inachevé de la rue Ernestine a toutefois permis de sauver une des dernières constructions du quartier datant de sa première urbanisation, entre 1830 et 1845. En effet, la maison sise au 14 rue Cavé, face à la rue Saint-Jérome, a été très longtemps promise à la destruction pour permettre le passage de la rue Ernestine, et fait qu'aucune construction d'envergure n'a été envisagée pour remplacer cette maison comme ce fut le cas pour de nombreuses constructions modestes de ce type de cette époque. Aussi, lorsque le projet fut définitivement abandonné, le 14 rue Cavé resta sur pied et il l'est toujours. 

     

    14 rue Cavé14 rue cavé, janvier 2014

     

     

    Et pourquoi pas jusqu'à la rue Mouffetard ? 

    Les élections françaises connaissent une tradition de candidatures farfelues depuis le XIXème siècle. La Goutte d'Or a eu elle aussi son candidat fantaisiste au début du XXème siècle. Il s'agit de Fénelon Hégo, tapissier-matelassier et décorateur-inventeur de son état. Il se présenta aux suffrages de ses concitoyens en 1902 et en 1906.

    Fénelon Hégo
    Fénelon Hégo et son équipe de campagne, carte postale 1906

     

    Pour les législatives de 1902, il se présenta à la députation pour le représenter le quartier de la Goutte d'Or (3ème circonscription du XVIIIème arrondissement). Le programme de Fénelon Hégo aligne de bien belles propositions, citons notamment:

    - Impôt sur le revenu, impôt de terre et impôt de fer ; ceux ne possédant rien seront exonérés

    - Réforme de l'Ortografe, suppression de l'Académie et des grands dictionnaires pour faire place

    - Interdiction à tout citoyen d'avoir plus de trois maisons dans la même rue. Ceux qui en possèdent un nombre supérieur seront tenus à les mettre gratuitement à la disposition des prolétaires

    Mais parmi toutes ses propositions, il est en une qui retient notre attention, celle de prolonger la rue Ernestine jusqu'à... la rue Mouffetard (soit une rue d'environs 6 kilomètres!). Gageons que notre insolite politicien trouva là une bonne occasion de moquer le projet sans fin de prolongement de la rue Ernestine jusqu'au boulevard de la Chapelle, projet qui resta dans les cartons une cinquantaine d'années.

    Ne récoltant que 70 voix, Fénelon Hégo ne fut pas élu député et la rue Ernestine n'a jamais rejoint la rue Mouffetard, pas plus que le boulevard de la Chapelle.

     

    rue Ernestine
    Rue Ernestine, vers 1900

     

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