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Par JRB le 12 Juillet 2013 à 23:41
Ce blog se nommant "28 rue Affre", il convient de parler du numéro 28, et plus particulièrement de la plaque qui porte ces chiffres au dessus de la porte d'entrée.
Porte du 28 rue Affre
Coté pair, en fin de rue
Rappelons d'abord pourquoi cet immeuble est situé précisément au numéro 28 de la rue Affre. Le système actuel qui organise la numérotation des voies de Paris (et précédemment du département de la Seine) date de 1805, les tentatives précédentes s'étant révélées inopérantes. Un décret établi alors que les numéros seraient continus tout au long d'un voie et que les numéros pairs se suivent du coté droit. Le début de la rue est déterminé par l'orientation de la voie par rapport à la Seine. Si la rue est perpendiculaire au fleuve, alors c'est le point le plus proche de la rive qui marque le début. Et si la rue est parallèle à la Seine, alors c'est le point le plus en amont qui détermine le commencement de la rue. La rue Affre étant perpendiculaire à la Seine, c'est donc logiquement que la numérotation des immeubles commence du coté de la rue Jessaint au Sud (coté Seine) et se termine rue Myrha.
Extraits du décret du 4 février 1805 :
Article 2. Ce numérotage sera établi par une même suite de numéros pour la même rue, lors même qu'elle dépendrait de plusieurs arrondissements communaux, et par un seul numéro qui sera placé sur la porte principale de l'habitation.
Article 4. La série des numéros sera formée des nombres pairs pour le côté droit de la rue, et des nombres impairs pour le côté gauche.
Article 5. Le côté droit sera déterminé, dans les rues perpendiculaires ou obliques au cours de la Seine, par la droite du passant se dirigeant vers la rivière, et dans le sens du cours de la rivière.
Article 7. Le premier numéro de la série, soit pair, soit impair, commencera, dans les rues perpendiculaires ou obliques, au cours de la Seine, à l'entrée de la rue prise au point le plus rapproché de la rivière, et, dans les rues parallèles, à l'entrée prise en remontant le cours de la rivière; de manière que, dans les premières, les nombres croissent en s'éloignant de la rivière, et dans les secondes, en la descendant."Pour revenir à la plaque du 28, il s'agit d'une plaque en céramique émaillée avec les chiffres blancs sur fond bleu d'azur. Ce modèle en céramique date de 1847. C'est en application d'un arrêté du préfet Rambuteau (28 juin 1847) qui réorganise le numérotage des immeubles que ces plaques en céramiques et leur couleur furent adoptées. Il est donc vraisemblable de penser que celle du 28 soit celle d'origine. D'ailleurs, bon nombre des immeubles du quartier de la Goutte d'or ont la façade ornée de ces plaques.
Plaque en céramique émaillée du 28 rue Affre
Mais la Goutte d'or, comme le reste de Paris, possède aussi de nombreux exemplaires de numéros d'immeuble en dehors des normes municipales. L'arrêté préfectoral du 17 mars 1939 impose l'usage de plaques en métal émaillé et rappelle l'obligation des chiffres blancs sur fond bleu d'azur ; l'arrêté municipal du 27 septembre 1982, quant à lui, impose un second emplacement vers la sonnette en plus du numéro placé sur le chambranle de la porte. Mais la Ville de Paris est très tolérante sur les pratiques diverses d'apposer les numéros d'immeubles.
Du 2 au 72
On trouve aussi un cas particulier au 72 rue Myrha. En évidence sur le chambranle de la porte, la plaque en céramique se détache sur la pierre claire. Mais en regardant de plus près, juste sous le 72, un 2 taillé dans la pierre se lit clairement. Cette juxtaposition, rare, de deux numéros n'est pas due à une erreur du sculpteur, mais à l'évolution des noms de rue et à l'histoire du quartier.
72 rue Myrha (ex 2 rue Myrha)
En effet, la portion de rue qui va de la rue Stephenson à l'intersection avec la rue des Poissonniers n'a pas toujours appartenu à la rue Myrha. Cette rue, qui faisait alors partie de la commune de la Chapelle Saint Denis, est nommée rue de Constantine (la portion située entre la rue Léon et la rue des Poissonniers est ouverte en 1841). La rue des Poissonniers marquait la frontière entre les communes de Montmartre et de la Chapelle Saint Denis. La rue Myrha, ouverte en 1847 (d'abord appelée rue Frédéric), commençait rue des Poissonniers pour finir rue de Clignancourt, elle était alors une voie de la commune de Montmartre (Myrha aurait été le prénom de la fille du maire de Montmartre, Biron). La rue de Constantine a été intégrée à la rue Myrha en 1868, après l'annexion en 1860 des communes de la Chapelle Saint Denis et de Montmartre à Paris. Le 72 rue Myrha était donc le 2 rue Myrha (ou rue Frédéric) à Montmartre lors de sa construction.
La Goutte d'or fait son numéro
Faisons donc un petit tour d'horizon des numéros d'immeuble de la Goutte d'or. Nous y rencontrons plusieurs manière d'indiquer le numéro d'un bâtiment. Ainsi, nous trouvons les cas de figures suivants :
- des plaques en céramique émaillée, comme celle du 28 rue Affre, plus ou moins bien intégrées au décor de façade.
10 rue Caplat. Plaque en céramique émaillée qui refuse sa place allouée sur le chambranle de la porte.
4 rue des Poissonniers. Plaque en céramique émaillée dans son encadrement et surmontée d'une plaque en métal émaillé "Gaz à tous les étages".
- un cas de numéro peint à même le chambranle de la porte
4 boulevard Barbes. Numéro peint.
- des numéros taillés à même la pierre, et dans certains cas rehaussés de couleurs
7 rue Caplat 31 rue de Chartres
4 rue Ernestine 11 rue Saint Luc
37 rue Stephenson
- des numéros au style plus libre
22-24 rue Myrha
20 rue Léon (1934)
- un numéro chichement tracé à la craie sur la porte d'entrée
14 rue Lagouhat
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Par JRB le 13 Mars 2013 à 19:00
Il n'est jamais facile de faire des recherches sur le passé, mais souvent c'est ce qui en fait le charme. En effet, les données lacunaires, les informations erronées, la difficile accessibilité de certaines sources, des dates imprécises sont comme autant d'obstacles à une enquête, et dans le même temps, sont comme autant de petits défis et d'énigmes à résoudre. Mais parmi toutes les sources, les données administratives restent relativement fiables et précises. Pourtant, j'avais noté l'étrange disparition sur le plan du cadastre de l'immeuble sis au 5 de la rue Myrha (parcelle 85), qui est toujours debout (je peux en attester, je le vois de ma fenêtre en écrivant ces lignes).
Extrait du plan cadastral de l'immeuble spectral
Mon étonnement était d'autant plus grand que cet immeuble a échappé de peu à une démolition malgré son intérêt architectural et historique. L'association Cavé-Goutted'Or, qui contribue à contester une réhabilitation pour le moins brutale du quartier menée par la SEMAVIP, et notamment pour le n°5 de la rue Myrha, s'est d'ailleurs fait le relais de cette information, craignant d'y voir un mauvais augure pour l'avenir de cet immeuble voisin du 28 rue Affre.
Mais depuis, Cavé-Goutte d'Or nous apprend que le cadastre a remis ses plans à jour, faisant réapparaître l'immeuble du 5 rue Myrha. Mais il semblerait que ce ne soit pas une mise à jours générale du plan cadastral, mais bien d'une correction très partielle. En effet, le vide laissé par la démolition du 19 rue Affre (parcelle 113), remplacé depuis plus de deux ans par un triste immeuble sans intérêt sous l'égide de la SEMAVIP, est toujours visible sur le plan du cadastre. Une correction générale aurait comblé ce manque. Il est des vides qui se comblent, d'autres pas. Faut-il voir dans cette correction partielle une réponse à l'article que Cavé-Goutte d'Or a consacré à la parcelle incriminée ?
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Par JRB le 12 Février 2013 à 22:46
Situation
L'immeuble du 28 rue Affre se situe dans le 18e arrondissement de Paris, dans le quartier de la Goutte d'or. Dans ce quartier (71e quartier administratif de Paris), il occupe dans l'ilôt 23 le lot 88 sur une parcelle de 243 m2. Ce lot est situé sur le versant Est de la Colline des cinq moulins, colline sur laquelle s'étend l'essentiel du quartier de la Goutte d'or.
L'immeuble fait face aux n°15/17 et 19 de la rue Affre, à l'Ouest de la parcelle. Au Nord se trouvent le n°30 (et 32) récemment "déconstruit" ainsi que le 5 de la rue Myrha (en sursis). L’Est est bordé par le fond du n°3 de la rue Myrha. Le coté Sud est occupé par le n°26 de la rue Affre et le n°6 de la rue Cavé.
Vue sur le plan cadastral (qui supprime le n°5 rue Myrha pourtant encore debout)
Vue sur le coté Nord de l'immeuble depuis l'angle de la rue Myrha ; au premier plan, les parcelles nues du 32 et du 30 rue Affre, en arrière plan se profile le bâtiment sur cours.
Construction
La construction de l'immeuble date de 1841. Il s'agit là d'une des premières constructions dans la rue Affre (Rue d'Alger à l'origine, commune de la Chapelle Saint-Denis) farichement percée. Ce bâtiment est aussi un des derniers témoignages de la première phase d'urbanisation de la Goutte d'Or durant la première moitié du XIXe siècle.
L'immeuble est composé d'un bâtiment sur rue de quatre étages (et cave), deux commerces en occupent le rez de chaussée de part et d'autre de la porte d'entrée, et d'un bâtiment sur cours de trois étages ; les deux bâtiments sont réunis par une extension d'un étage sur le coté nord de la cours et une extension prolonge l'arrière du rez de chaussée du bâtiment sur rue.
Comme beaucoup d'immeubles du quartier, la technique de construction utilise une technique d'ossature en bois parée de matériaux de basse qualité (pierres et mortier). Le bâtiment sur rue est partiellement couvert de tuiles et de zinc, tout les autres parties de l'immeuble sont couvertes de zinc. le hall d’entrée et la cours sont entièrement pavés (pavage récent, date ?). Les murs extérieurs sont enduits de ciment et peints en beige très clair.
Vue sur cours depuis le bâtiment sur rue
Plusieurs modifications et adjonctions ont été faites au cours du temps : toilettes accrochées "en balcon" sur cours, système d'évacuation des eaux usées en façade sur cours, élévation d'un étage sur le coté rue, réunions d'appartements, aménagement d'un local poubelle dans la cours... Une bonne partie des éléments d'origine est encore présente, comme les escaliers en bois et leur rampe, la plupart des portes d'entrée des appartements, une partie des fenêtres ou encore les planchers en parquet de chêne. Par contre, d'autres ont disparus, comme les éléments de décors de la façade sur rue, les gardes corps des fenêtres, les volets aux fenêtres de la façade sur rue des 2e, 3e et 4e étages ou encore les devantures des commerces. L'immeuble ne présente pas d'élément architectural particulier, si ce n'est la façade sur rue qui conserve trois arcades (de décoration ?) percées de fenêtres au niveau du premier étage, cet élément architectural partiellement conservé par le récent ravalement (les refends de maçonnerie ont malheureusement disparus) est unique dans le quartier.
Coté rue, avant ravalement, à gauche une partie du n°30 démoli depuis.
Dans le cadre d'une opération immobilière de démembrement en cours, un programme de ravalement des façades et de rénovation complète des parties communes vient de s'achever (Architecte : Georges Kallouf Architecture, Paris 2e ; maîtrise d'ouvrage : NOVAXIA Immo Capital, Paris 8e). L'immeuble est propriété (ou usufruit) de la "Société Civile Immobilière CASTAGNARY 11", Paris 15e (précédemment "Société Civile Immobilière 28 rue Affre", Paris 8e). Nous reviendrons sur ce projet spéculatif et la rénovation liée à cette opération sur ce blog.
Vue sur la montée d'escalier depuis le hall d'entrée (après réfection)
L'habitat
L'ensemble se divise en deux locaux commerciaux et dix-neuf appartements (du studio au F3). Un seul des deux commerces est actuellement occupé par un atelier de couture. Le bâtiment sur rue comprend douze logements, dont deux dans la partie se prolongeant sur cours coté Nord et un dans l'extension sur cours coté Sud. L'appartement en rez de chaussée de l'aile Nord est occupée par la gardienne de l'immeuble. Le bâtiment sur cours compte sept logements. L'ensemble devait compter en tout vingt-trois logements, avant la réunion de certains petits appartements. Quelques appartements ont bénéficié d'une rénovation partielle ou complète, tandis que d'autres demeurent dans un état très vétuste. Il est à noter que tous ces appartements ne sont toujours pas équipés de toilettes, certains locataires devant se partager des toilettes sur palier. L'ensemble des lots sont occupés par des locataires.
Appartement en cours de rénovation au 3e étage du bâtiment sur rue. L’abattement de cloisons met à jour une des poutres qui constitue l'ossature de l'immeuble.
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